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Intervention de la Transnationale au CF du 5 octobre 2024

Contribution sur les relations internationales :

       L’aide au développement: un leurre

       Les fractures Nord/Suds ou Sud global  et les menaces sur le Droit international

L’aide au développement 

 Que ce soit dans les institutions, conventions ou programmes internationaux et nationaux, il est beaucoup question d’«aide au développement». Une aide que les pays dits du « Nord » octroieraient aux pays des « Suds » ou «Sud global».

La France, en particulier, a ainsi créé, il y a plus de 80 ans, l’Agence Française de Développement (AFD[1]). Et le Parlement vote régulièrement des lois (la dernière en Aout 21) pour déterminer le budget consacré à l’aide publique au développement comme aux projets à mettre en œuvre.

Quelle aide ?

Mais cette solidarité, qu’on ne pourrait qu’applaudir, est non seulement faible (0,55% du PIB environ) mais surtout mensongère: cette aide n’en est pas une!

D’abord, car elle consiste majoritairement en prêts, et non en dons, avec des intérêts que les bénéficiaires doivent rembourser aux donateurs. Ce qui alimente un endettement déjà important dû aux relations économico-commerciales d’un « échange inégal[2] » historique et permanent.

Ensuite, parce qu’elle est fréquemment associée à des contraintes, telles des obligations de contrats avec des entreprises françaises.

Problème décuplé au niveau international avec le FMI (Fonds monétaire International qui prête aux états, avec des conditionnalités standardisées[3]. Ainsi impose-t-il aux pays emprunteurs, en plus des intérêts, des plans d’austérité, les très critiqués « plans d’ajustement structurels ». Ceux-ci détruisent les services publics et ont souvent ruiné nombre de pays sur tous les continents, empêchant alors tout «développement».

Quel développement ?

Cette notion, omniprésente dans les relations internationales Nord/Suds, est, d’ailleurs, très ambiguë puisqu’on n’en précise pas l’objet.

En réalité, le sous-entendu est évident: si on ne le définit pas, ce mot renvoie au modèle dominant du développement, le nôtre. L’objectif principal de cette aide serait donc d’atteindre notre « niveau de développement », ses côtés positifs comme les négatifs, celui-là même qui nous a mené aux catastrophes actuelles.

 Mais c’est aussi une façon de réaffirmer la domination de ce modèle, d’en faire l’alpha et l’Omega de toute politique. C’est un rêve, un mirage inatteignable, qui masque les relations de domination historique, accentuées par une mondialisation inégalitaire dans tous les domaines.  

Des appellations révélatrices

Le vocabulaire dont on affuble les pays des Suds illustre bien cette hypocrisie. 

Ces pays sont dits « en développement », encore et toujours, après pourtant des décennies d’aide… Ils sont, encore, toujours, dits « émergents », sans être jamais parvenus à « émerger ». Ou, pire, ils sont qualifiés de « moins avancés », malgré toutes les aides. Cette dernière appellation, sans nuance, traduit cyniquement la hiérarchie implicite des relations Nord/Suds.

Ainsi, peut-on croire quand on parle de Nord et Suds, qu’il s’agit d’une opposition entre riches et pauvres, une sorte de fatalité dont nous ne serions pas responsables.

Ce vocabulaire crée une vision du monde falsifiée et méprisante. Il occulte la réalité des dominations du Nord et sa prédation des richesses des Suds. Qui ne sont pas «pauvres » comme on le répète trop souvent, puisqu’ils regorgent de ressources naturelles que nous exploitons. Nombre d’études souligne que nous leur prenons beaucoup plus que nous leur « donnons ».

Mais l’explosion des inégalités au niveau mondial, la crise climatique, la raréfaction des ressources, la montée des conflits lézardent la légende 

Les fractures Nord/Suds

Un révélateur : l’invasion russe en Ukraine

Lors du vote de l’ONU sur l’invasion de l’Ukraine, si plus de 30 pays, majoritairement africains, se sont abstenus, il faut noter qu’ensemble, ils représentaient la majorité de la population mondiale.

Pour beaucoup, cette abstention ne signifiait pas une approbation de l’invasion russe mais une forte défiance vis à vis de l’occident, au sens large. De l’exploitation subie,  des destructions extractivistes, environnementales,  de la pauvreté, malgré les promesses affichées de la mondialisation heureuse.

Sans oublier les guerres précédentes, dont les souvenir des mensonge états uniens justifiant l’invasion de l’Irak ou anglo-français pour l’intervention en Libye. 

Cette fracture Nord/Suds s’est encore accentuée avec le traitement différencié,  le double discours médiatique, politique ou juridique[4], de l’invasion russe et du blocus de Gaza, comme de la colonisation palestinienne et, aujourd’hui, des attaques au Liban.  

Le droit international bafoué

Malgré la condamnation par la Cour de Justice Internationale, en juillet dernier, jugeant illégale depuis 1967 la colonisation israélienne. Malgré la saisie du procureur de la Cour Pénale Internationale initiant une enquête pour génocide, la condamnation réitérée de l’ONU, le gouvernement d’Israël persévère et aujourd’hui même bombarde, pour la 1ère fois depuis des années, la Cisjordanie et le Liban.

Des chars passent la frontière d’un pays souverain, hors toute légalité, sans respecter une once du droit international, même pas celui de la guerre. Israël va-t-il vouloir de nouveau occuper le Liban comme il l’a fait pendant 20 ans? 

Et si les pays ont, enfin, quasi unanimement condamné cette violation du territoire libanais et ces assassinats illégaux, la riposte de l’Iran aura suffi pour reconstruire leur soutien indéfectible à un gouvernement criminel, raciste et suprémaciste. 

D’ailleurs, le jour même où Biden demandait un cessez le feu, un financement de 87 millions à destination d’Israël était reconduit. Il serait même question que les Usa approuvent des bombardements des réserves pétrolières iraniennes. 

Avec quelles conséquences régionales ? 

La politique du gouvernement israélien et de ses appuis bafoue le droit,  menace tout l’échafaudage législatif international.  

Allons-nous revenir à la loi du plus fort ?

Comment les populations des Suds peuvent-elles croire aux valeurs occidentales de démocratie, de justice, d’égalité, de liberté? Au droit international jamais appliqué ? Comment peuvent-elles résister aux sirènes des dictatures ? 

Avec nos mobilisations, nous devons exiger l’arrêt des monstrueux massacres qui se déroulent sous nos yeux.

Nous pouvons exiger de nos gouvernements, de l’UE, des USA, un cessez le feu immédiat et permanent, le respect des résolutions de l’Onu sur la Palestine… ils ont des moyens de pression, ne pas les utiliser est criminel.

C’est une nécessité vitale pour les palestinien.nes, les libanai.ses, et aussi les israélien.nes. 

Et pour construire un autre monde juste, égalitaire et solidaire.

Contribution présentée par Françoise Alamartine-co-responsable de la Commission.


[1] L’AFD elle-même avait prévu, en 2021,  de  remplacer le mot « aide » par « partenariat ». Cela ne traduisait pas une volonté de relation plus égalitaire, de « coopération », plutôt de donner plus de place aux entreprises privées. Voir la déclaration de Macron (AFD 16 /02/22) : Là, on sera allé au bout de la logique qui est que ce n’est pas de l’aide, c’est bien de l’investissement ».

[2] La notion d’échange inégal qualifie les relations commerciales entre les Suds qui exportent majoritairement des matières 1ères – agricoles ou minérales- à faible valeur ajoutée et le Nord qui exporte des produits transformés à Haute valeur ajoutée

[3] En général, en imposant une politique d’ouverture aux capitaux étrangers et des privatisations.

[4] Même si la CIJ,  comme le procureur de la CPI , ont  diligenté une enquête pour crime contre l’humanité et génocide, leurs décisions trainent…