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Européennes 2024

Chronique d’un échec annoncé !

Dans les studios de France 2, le 9 juin 2024 à 19 heures 50, Marine Tondelier est au maquillage. Un journaliste vient la prévenir, « pour vous ça serait 4,9 % ». Sueur froide et bascule mentale sur une déclaration adaptée, il n’y aura pas de député écologiste français au Parlement européen. A 20 heures les résultats s’affichent, 5,2 %, puis ça monte un peu pour s’établir en définitive à 5,5 %. Soit 5 élu.e.s. Pile dans les prévisions des sondages que l’on disait « oiseaux de mauvaise augure qui s’étaient toujours trompés nous concernant ». La déception dans nos rangs et les débuts d’analyse sont balayés 60 minutes plus tard par l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale. Les espoirs de bilan interne aussi. Notre parti n’est pas friand de l’exercice d’auto critique mais là, il faut remettre tout de suite la machine en route. Marine Tondelier s’emploie avec succès à faire dialoguer les frères ennemis de la gauche et advient le Nouveau Front Populaire que REBELLION ! CONSTRUCTION appelle de ses vœux depuis longtemps. Le parti Les Ecologistes – EELV lance en ce moment un processus de bilan, alors voilà notre contribution.

Dans le texte qui suit, en prendront pour leur grade « la direction » (notre bien-aimée Secrétaire nationale et le Bureau exécutif), les stratèges, les communicants, les graphistes. Seront épargné.es Marie Toussaint, les canditat.e.s, les militant.e.s de terrain. Bien sûr on mettra au discrédit de l’auteur qu’il est toujours facile de refaire le match « parce que je vous l’avais bien dit ».

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Il y a fort longtemps, en juin 2023, le parti crée un comité Théodule hors statuts dont il a le secret, le Comité de consensus, chargé d’établir la liste de 16 premier.e.s candidat.e.s. Une sorte de mercato où chaque motion va pousser son avantage et ses poulains, sans aucune vision stratégique sur les compétences ni le message politique. Seront propulsés en bonne place une membre du bureau exécutif (contrairement aux engagements de la direction), un jeune sorti de nulle part, un influent vice-président du Conseil fédéral, et il faut le dire, bénéficiant du système, un membre de REBELLION ! CONSTRUCTION

7 juillet 2023 : le parti lance un « vote package » mêlant Elections Européennes et changement de nom. 51 % de votant.es, soit 5600 personnes !

·        Confirmer la stratégie d'une liste écologiste aux élections européennes de juin 2024. 86 % des votant.es confirment la direction du parti dans le choix d’une liste autonome « parce que c’est notre élection phare », « parce qu’il y a trop de différences entre nous et LFI ». Malgré l’absence de débat interne REBELLION ! CONSTRUCTION tente de faire entendre la voix de l’union souhaitée par 75 % des sympathisant.es de gauche.

·        Valider les 8 premiers hommes EELV et les 8 premières femmes EELV. Etant entendu que cela est provisoire dans l’attente des ouvertures « à forte valeur électorale » -sic.

·        Désigner la tête de liste entre la première des femmes Marie Toussaint, ou le premier des hommes, David Cormand. Il y avait deux autres candidates, Majdouline Sbaï et Bénédicte Monville, mais on ne sait pas pourquoi elles ont disparu de la sélection. Marie Toussaint (« solide et discrète » – Le Monde 8/08/2023) est élue avec 59,5 % des voix.

·        Vous prononcer sur le nom du futur mouvement. Dans la foulée et noyant le poisson dans la problématique européenne, la direction du parti propose d’abandonner les mots « Europe » et « Verts » au profit d’un nom passe-partout « Les Ecologistes ». Là encore REBELLION ! CONSTRUCTION tente de s’y opposer, sans succès, à l’aide d’une pétition. Le changement de nom est acté par 64 % des votant.es. Sniff !

Un lancement qui fait pschitt et un relancement qui fait marrer (ou pas).

Prévu en fanfare aux Journées d’Eté du Havre, le lancement de la campagne passe à la trappe, effacé par « l’affaire Médine ». L’invitation du rappeur controversé enflamme les médias. Obstinée et sans sens politique, la direction du parti ne prend pas la mesure du désastre et sacrifie le fond pour la forme. Le 2 décembre on relance avec un grand meeting à l’Elysée Montmartre, baptisé « Pulsations pour le vivant ». Est dévoilée la première affiche de campagne. La couleur verte écolo -avec du soleil dedans- est abandonnée au profit d’un vert sombre, Marie Toussaint photographiée façon égérie Dior arbore un léger sourire mystérieux, attention ça va pas rigoler ! On demande à voir le budget alloué à l’agence de com’ pour cette création esthétisante à rebours du message positif et joyeux que l’écologie voudrait véhiculer. Le tout est (un peu) rattrapé par un beau slogan : « Justice, Paix, Ecologie ». Las, les médias ne retiendront rien de cette forme, ni même du fond, car un (trop) long fragment du meeting vient tout ridiculiser – à tort sans doute : la Booty Thérapie. Cette pratique de libération du corps des femmes est largement moquée par la presse et les réseaux sociaux, y compris par une certaine Flora Ghébali, chroniqueuse aux Grandes Gueules sur RMC (!), partisane du retour au service militaire, que l’on retrouvera sur la liste des Ecologistes en onzième position. Les 12 % donnés par les sondages en juillet ont déjà fondus à 8.

Puis vint l’ouverture …

Comme si la liste n’était pas assez « ouverte » il fallait à tout prix y soupoudrer de la société civile. On parle de Laurent Berger, ex-secrétaire national de la CFDT, il refuse. On parle de Rima Hassan, militante des droits humains, elle ira à LFI. Alors on glisse, à des place que l’on rêve encore éligibles, une copine de Marie Toussaint, ex-Gilet Jaune (9ème), une influenceuse Macron compatible (11ème), un Breton (16ème) parce qu’il fallait un Breton. Les sondages nous donnent à 7 %, les électrices et électeurs historiques des Verts s’éloignent.

Un programme, une campagne.

A mettre au crédit du parti, un très bon programme, construit avec les commissions, discutés en ateliers ouverts. Malgré un manque de radicalité sur le nucléaire, les médias spécialisés (« en haut du podium » - Reporterre), les ONG (19,8/20 -Bloom ; Greenpeace, Réseau Action Climat) encensent le programme des Ecologistes ainsi que leur bilan au Parlement Européen (Karima Delli, Marie Toussaint et Caroline Roose trustent toutes les premières places dans les classements). Mais la campagne n’imprime pas. Le « récit » ne prend pas. Les divers conseillers en com’ s’obstinent à personnaliser la campagne sur la personne de Marie Toussaint (pas d’affiches d’un collectif) et à la jouer graphiquement « urbaine-chic ». Les critiques remontent du terrain sans écho. La centralisation contraste avec le foisonnement créatif issu de la base qui avait prévalu lors des campagnes précédentes. Les militant.es bien que désabusé.es par la perte d’identité due au changement de nom en milieu de campagne, s’engagent à fond. Pendant ce temps on observe le fade Gluksman qui monte, qui monte. Les compilateurs de sondages, vers le mois de mai, nous font passer sous la barre des 5 %.

La faute des autres

« On a le vent de face », « il y a un backlash -ou retour de bâton- écologique », « les populistes font de l’écologie un bouc émissaire », « l’extrême droite anti-écolo est aux portes du pouvoir ». Autant d’arguments qui sont avancés pour expliquer l’échec, et qui sont vrais. Mais c’est dans ce cas qu’il faut s’unir (à gauche), proposer une écologie qui parle au peuple, et ne pas se tirer des balles dans le pied avant et pendant la campagne.